INCESTE - PÉDOCRIMINALITÉ : ET SI ON EN PARLAIT ?
Que dire de l’inceste et de la pédocriminalité si ce n’est que se sont deux véritables fléaux sociétaux qui envahissent de plus en plus notre quotidien. Ils ne sont pas nouveaux loin de là, mais le développement des moyens de communication et notamment des réseaux sociaux nous montrent à quel point ils sont ancrés dans notre société. Une société encore bien trop souvent patriarcale.
Le 1er Août 2020, Adrien Taquet, alors secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et de la famille, a annoncé la volonté du gouvernement de créer une commission sur les violences sexuelles faites aux enfants, qui serait surtout centrée sur l’inceste, désigné comme le dernier des tabous. Cette annonce, précédant de quelques mois, la publication du livre de Camille Kouchner « La Familia grande ». Ce livre a créé un véritable choc dans la société française. Un choc collectif mais également puissant et soutenu par la prise de conscience d’une réalité trop souvent déniée.
Dans le prolongement de cette sortie, le Président de la République a annoncé fin janvier 2021, le lancement d’une initiative missionnée pour recueillir les témoignages et protéger les victimes. La CIVIISE, telle que nous l’avons connu, était née avec à sa tête le Juge Edouard Durand et dont Arnaud Gallais, ici présent, en fut membre jusqu’à sa en fin d’année dernière et ce, malgré les protestations des militants et associations luttant en faveur de la protection de l’Enfance. La dissolution de la CIVIISE n’a pas réellement eu lieu. C’est le départ du juge Durant qui a soulevé un certain nombre d’interrogations sur son « limogeage » et par l’intérim très bref de Sébastien Boueilh (président de l’association Colosse aux pieds d’argile). La CIVIISE est désormais présidé par un comité directeur.
Donc ce n’est que très récemment que nous nous sommes « intéressés » à l’inceste.
En France, nous estimons à 3.9 millions de femmes et 1.5 million d’hommes qui ont été confrontés à des violences sexuelles avant l’âge de 18 ans représentant au total près de 5.4 millions de personnes, soit quasiment près de 10 % de la population française.
160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles soit 1 enfant victime de viol ou d’agression sexuelle toutes les 3 minutes.
Dans 81 % des cas, l’agresseur est membre de la famille et dans 22 % des cas, l’agresseur est proche de l’enfant et de ses parents.
Dans un cas sur 10, les violences sexuelles sont commises dans un cadre institutionnel par un adulte
Enfin, 8 % des violences sexuelles sont commises par un inconnu dans l’espace public (rues, transports en commun…).
Ces chiffres sont affolants, effarants et ne reflètent pas réellement la réalité. Souvent, nous imputons l’inceste à des actes commis par des hommes mais nous ne devons pas oublier que l’inceste commis par des femmes existe également. Il est occulté par le stéréotype de la mère nourricière, protectrice, nécessairement douce et cet inceste reste largement impensé. Or, bien que dans une proportion très inférieure à celles des hommes, les femmes peuvent commettre des violences incestueuses ou être complices d’un homme auteur de tels actes.
Tous les milieux, toutes les classes sociales sont touchés. Il faut en finir avec la thèse misérabiliste selon laquelle les violences incestueuses seraient l’apanage de familles défavorisées. Ce stéréotype qui fait écran à l’appréhension de la réalité ordinaire de l’inceste reste extrêmement vivace. Il continue de sévir, en particulier, mais de moins en moins malgré tout, chez des professionnels de tous horizons (police, justice, santé, éducation nationale…) et dans les médias, comme nous avons pu la voir, il y a déjà 20 ans, pendant le procès d’Outreau.
Mais qu’adviennent les victimes d’inceste après avoir libéré leurs paroles que cela soit auprès d’une commission, auprès de leur famille ou même encore auprès de représentants des forces de l’ordre. Est-ce que notre système législatif est suffisamment armé pour faire face à de tels actes ?
Nous enregistrons depuis quelques années, une explosion de la libération de la parole. Et ce grâce aux mouvements #MeToo puis à #MeTooInceste qui lancé en janvier 2021 a recueilli plus de 80.000 témoignages en moins de deux jours. Les propositions de loi pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes faites aux enfants ont permis de faire avancer les choses. Mais, et cela n’engage que moi, reste encore un peu timide, un peu poussif.
La création de la CIVIISE a été une très bonne chose.
Dans ses conclusions, la CIVIISE a listé 82 préconisations pour mieux protéger les victimes et notamment les enfants. Une d’entre-elles est la création d’une mesure judiciaire d’urgence permettant au juge aux affaires familiales de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale en cas d’inceste vraisemblable.
Force est donc de constater que beaucoup reste malheureusement à faire.
Les choses avancent avec, (nous venons de le voir,) la création de la CIVIISE, la mise en place de lois qui protègent encore plus nos enfants comme avec l’adoption de la loi dite Billon, loi qui vise à protéger les mineurs de crimes sexuels. Ce texte établit un seuil d’âge de non consentement de 13 à 15 ans pour les victimes de violences sexuelles et de 13 à 18 ans pour l’inceste. Reste encore la « fameuse » clause dite « Roméo et Juliette ». En effet, cette dernière est une disposition qui vise à ne pas pénaliser les « amours adolescentes » sincères.
À savoir, qu’il ne peut y avoir d’infraction lorsque la différence d’âge entre l’auteur et le mineur est inférieure à 5 ans. Cela laisse la porte ouverte à tout prédateur âgé de 18 ou 19 ans pouvant agresser sexuellement un mineur de 14 ans. C’est quelque chose d’incompréhensible dans notre système judiciaire.
La justice fait son travail malgré tout et les rouages sont difficiles à mettre en œuvre. Les condamnations pour viol incestueux ont progressé de 71 % passant de 276 à 471. Quant aux condamnations pour agression sexuelle incestueuse sur la même période, 2017 – 2021, elles ont augmenté de 93 % passant de 696 à 1 343.
Les chiffres concernant les viols incestueux sur mineurs sont encore plus frappants puisque les condamnations ont progressé de 129 % passant de 177 à 405.
Enfin, je terminerais là-dessus, en vous rappelant l’article 222-22-3 du Code Pénal qui dit que « les viols et agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis par un ascendant, un frère, une sœur, un oncle, une tante, un grand-oncle, une grand-tante, un neveu ou une nièce mais également par le conjoint, le concubin d’une des personnes mentionnées précédemment.
Comme vous pouvez le constater par vous-même, les cousins et cousines ne sont pas compris dans l’inceste car en France, on peut se marier avec son cousin germain. Je vous laisse le soin de méditer sur ce point que je trouve incompréhensible.
Voilà, après ce petit laïus qui me semble avoir été nécessaire afin que vous ayez quelques informations essentielles, je cède la parole à Kathya qui va vous présenter les différents intervenants sans oublier que vous pourrez poser toutes vos questions après chaque intervention de nos invités.
Quels sont les effets sur les victimes d’inceste par la suite ?
Ce type d’agressions sexuelles déclenche une cascade d’effets délétères sur le plan neurobiologique, comportemental, cognitif, auditif et augmente la vulnérabilité à un large éventail de problèmes de santé. Les victimes, par exemple, de par le traumatisme subi peuvent présenter un risque élevé de développer un trouble dépressif, des conduites addictives et des troubles alimentaires à long terme.
Les performances scolaires en pâtissent également. Nous observons que les petites victimes d’incestes sont souvent impopulaires dans leurs classes et que leurs relations avec les autres élèves sont le plus souvent conflictuelles pouvant contribuer à un harcèlement. Mais, pour autant, il n’existe pas de trajectoire type de la victime d’inceste. Il n’y a aucune automaticité des comportements.
CONCLUSIONS
Après avoir vu le film d’Olivier, le clip de Gill et la bande annonce des « Survivantes » de Pierre Barnérias, images qui nous ont grandement sensibilisées et émues, j’aimerais terminer cette conférence en vous disant que l’inceste pourrait se résumer par ses chiffres qu’il faut avoir à l’esprit
1 – Un Français sur 10 a été victime d’inceste
2 – 96 % des agresseurs sont des hommes
3 – 160 000 enfants agressés chaque année plus criant encore la moitié des enfants incestés avaient moins de 10 ans la première fois
4 – 4 familles sur 5 ne protègent pas l’enfant qui parle
5 – 70 % des plaintes sont classées sans suite
6 – Les condamnations pour viols et agressions sexuelles ne cessent d’augmenter
7 – Seules près de 850 personnes sont condamnées pour ces faits
8 – Environ 7 000 euros de dommages et intérêts pour une victime d’agression sexuelle
9 – L’inceste coûte près de 10 milliards d’euros par an. Cet avis formulé par la CIVIISE estime que sur l’ensemble de ce montant trois milliards sont des dépenses engagées en réponse immédiate et ponctuelle aux victimes : accompagnement, services de police, de gendarmerie et de justice, prise en charge médicale immédiate. Mais le plus gros poste de dépense est lié aux conséquences à long terme sur la santé des victimes. La Commission estime à 6,7 milliards chaque année la somme des dépenses induites par le psychotraumatisme et les richesses non créées, dont notamment 2 milliards pour les troubles mentaux, 1 milliard pour les consultations médicales, 2,6 milliards d’euros de dommages liés à des conduites à risque. À l’heure où la psychiatrie est exsangue et notre système de santé en situation critique, nous pouvons nous interroger sur la prise en charge immédiate des victimes sur le long terme. Et comme tout ne passe pas par la psychiatrie, nous pouvons aussi nous interroger sur l’accompagnement au quotidien dans le vivre avec son ou ses traumatismes qui lui reste quasiment inexistant.
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